Chronologie de la compilation du Coran 3/4

4268

III. Sous le califat de Othmène (qu’Allah l’agrée) :

  • Extension de l’Etat musulman et divergence dans la lecture.

     Les frontières de l’Etat musulman s’étendirent sous le califat de Omar et lorsque Othmène fut désigné calife, elles atteignaient déjà les confins de la Perse à l’Est, la Turquie au Nord et l’Ifriqiya (Tunisie) à l’Ouest. Beaucoup de compagnons étaient dispersés aux quatre coins de l’Etat et les musulmans des populations locales apprenaient le Coran directement du ou des compagnons qu’ils côtoyaient. Chacun récitant selon le harf et la version qu’il avait appris. Les divergences de récitation semaient parfois le trouble auprès des nouveaux musulmans et des débats intenses commencèrent à apparaître sur laquelle était la plus authentique ou la plus soutenue.

Ces troubles atteignirent leur apogée durant les campagnes d’Arménie et d’Azerbaïdjan, auxquelles participa Houdayfa ibn Al Yemen. Il constata de grandes divergences entre les différentes façons de lire le Coran et certains même commettaient des erreurs de prononciation qui altéraient le texte. Les débats étaient très violents et certains groupes accusaient les autres de mécréance et de falsification du Coran. Il en référa à Othmène, afin qu’il agisse au plus vite. Othmène constata également des divergences entre les enfants qui apprenaient le Coran chez différents professeurs, chacun selon son harf.

Anas rapporte : « Houdayfa se présenta devant Othmène, alors qu’il revenait d’une campagne militaire en Arménie et en Azerbaïdjan, aux côtés des musulmans d’Irak. Il avait été choqué des divergences entre les lecteurs du Coran. Il dit à Othmène : « Rattrape la communauté avant qu’ils ne divergent comme ont divergé les juifs et les chrétiens ! » Othmène envoya alors quelqu’un demandé à Hafsa de lui envoyer les feuillets, afin d’en copier des exemplaires, puis lui rendre. Hafsa lui envoya donc les feuillets. Puis, Othmène ordonna à Zayd ibn Thabit, Abdallah ibn al Zoubayr, Saïd ibn al °Âs et Abderrahman ibn al Hârith d’en faire des copies. Puis, Othmène s’adressa aux trois Quraychites : « Si vous divergez vous trois avec Zayd, écrivez suivant la langue de Quraych, car le Coran est descendu dans cette langue. » Ils agirent selon ces directives, jusqu’à ce qu’ils recopièrent tous le Coran et Othmène rendit à Hafsa ses feuillets. Puis, Othmène envoya une copie dans chaque contrée en demandant que l’on en fasse plusieurs copies et que l’on brûle toutes les autres versions, afin qu’il n’y ait plus de divergences.

Ceci a été ordonné par Othmène en l’an 25 de l’hégire, avec l’accord de tous les compagnons, sauf Ibn Mas°oud qui a d’abord refusé de donner son exemplaire personnel du Coran. En effet, Ibn Mas°oud n’avait pas approuvé le choix de Zayd pour compiler le Coran, car il estimait en être plus digne, lui qui était parmi les premiers musulmans et même le premier à avoir réciter le Coran en public.

Ibn Mas°oud dit : « Selon la lecture de qui m’ordonnez-vous de lire ? Je récitais au messager d’Allah (paix et salut sur lui) plus de soixante-dix sourates, alors que Zayd avait encore des longues mèches et jouait avec les enfants ! » (Al Nassaâï et al Hâkim, authentifié par Al Albani)

Et aussi : « Vous les musulmans ! Comment se fait-il que je sois mis à l’écart de la compilation du Coran et voilà qu’elle est confiée à un homme, par Allah ! je jure que j’étais musulman alors que lui était encore dans les entrailles d’un mécréant ! » (Al Tirmidhi, authentifié par Al Albani).

Il dit cela sur le coup de la colère, mais très vite, il se ravisa et s’excusa auprès de Zayd pour ses propos, puis il ajouta : « Je ne suis pas le meilleur d’entre vous… »

Précisons que toutes les versions qui prétendent que l’exemplaire d’Ibn Mas°oud ne contenait pas les sourates (al fâtiha), ni les deux dernières sourates (al falaq) et (an nâs), sont fausses.

Ibn Hazim affirme : « C’est un mensonge sur Ibn Mas°oud, c’est inventé. La lecture de °Âsim a été transmise avec une chaîne authentique jusqu’à Ibn Mas°oud lui-même et elle inclut (al fâtiha) et (almou°awidhatayn). »

Al Nawawi dit : « Les musulmans sont unanimes sur le fait que (al fâtiha) et (almou°awidhatayn) font partie du Coran et que celui qui en renie une partie est mécréant. Quant à ce qui est rapporté sur Ibn Mas°oud, c’est complètement faut et inexact. »

Donc, en aucun cas Ibn Mas°oud n’a refusé de donner son exemplaire parce qu’il était différent des autres, mais uniquement pour montrer sa réprobation du choix de Zayd, puis il s’est ravisé.

 

  • Destruction de tous les harf, sauf celui de Quraych.

Sous l’ordre de Othmène, la commission dirigée par Zayd a choisi d’écrire l’exemplaire de référence (moushaf al imâm) selon un seul harf – celui du dialecte Quraychite – et de ne pas tenir compte des six autres harf en cas de différence. Puis, toutes les autres versions furent détruites, afin qu’il n’y ait plus aucune divergence et afin d’imposer le harf de Quraych à tous les musulmans. Puis, sept copies[1] furent transcrites et envoyées à la Mecque, en Syrie, à Bassora, à Koufa, au Yémen, au Bahreïn, et un exemplaire qui resta à Médine. Chaque nouvel exemplaire du Coran devait être retranscrit à partir de l’une de ces sept copies. On peut donc dire que le Coran que nous lisons actuellement ne représente qu’un seul harf, quelles que soient les lectures et les légères différences qu’elles peuvent comporter.

D’autres savants, comme Al Jazari, sont plutôt d’avis que le Coran fixé à l’époque Othmène et préservé jusqu’à nos jours contient en majeure partie le harf de Quraych, mais que pour certains passages, il y a encore quelques restes des six harf disparus, que l’on retrouve dans certaines lectures.

Quant au fait que les six autres harf aient disparu – tout ou en partie – il n’y a aucun mal en cela, car à l’origine ces autres dialectes n’avaient été autorisés que pour faciliter l’apprentissage aux différentes tribus. Il n’y a jamais eu obligation d’apprendre les sept et de tous les transmettre. En conservant le harf de Quraych, les compagnons ont contribué à préserver le Coran de toute altération et ont permis de le transmettre aux générations futures dans la langue telle qu’il avait été révélé initialement au prophète (paix et salut sur lui). L’obligation de transmettre le Coran et de le préserver était donc prioritaire devant la permission de réciter suivant d’autres dialectes.

De nos jours, il n’y a aucune source fiable qui permette d’affirmer qu’il reste un exemplaire de ces sept copies de référence. En particulier, les exemplaires écrits avec des styles d’écritures apparus bien après, ou ceux comportant des enluminures ou des couleurs, ou ceux avec des points diacritiques ne peuvent en aucun cas être l’une des sept copies originales. Ce qui n’empêche que pas que le Coran ait été fidèlement transmis oralement par de très nombreuses chaînes de transmission et qu’il ait été également retranscrit de génération en génération en suivant toujours « l’écriture othmaniène » (rasm othmânî).

[1] Selon d’autres sources, le nombre de copies était de 4 ou de 5.